Paris : Des milliers de personnes dans la rue contre le racisme

Si des politiciens qui ont banalisé le racisme et la xénophobie depuis des années versent aujourd’hui des larmes de crocodiles suite à la tuerie raciste, on notera cette juste réflexion d’une retraitée parisienne lors de la manifestation : «que Guéant  ose s’exprimer sur cette affaire, c’est choquant. Avec ses sorties sur le halal et le casher, il a fait monter les tensions. Les fous se nourrissent aussi de ce qu’ils entendent autour d’eux» A noter qu’un rassemblement est prévu ce soir, 20 mars, à 18 heures à Lille.

Banderole à Paris le 19 mars : "En France, on tue des Noirs, des Juifs et des Arabes"

Libération, 19 mars 2012.

Jérémie, 19 ans, a été alerté par un message sur Facebook. «Grande marche silencieuse ce lundi soir à 20h30. Rendez-vous place de la République», à Paris. Il n’a pas hésité une seconde, «en tant que citoyen, d’abord. S’en prendre à des enfants, de manière aussi effroyable, ça touche tous les Français, pas seulement les juifs».

Comme lui, plusieurs milliers de personnes (4 500 selon la police) ont répondu à l’appel lancé plus tôt dans la journée par l’Union des étudiants juifs de France (UEJF).

Dans les rangs, beaucoup de jeunes, qui se sont passé le mot par SMS et Facebook. Des familles entières, aussi. En équilibre (très) précaire sur un plot de stationnement à vélo, Ethan, 10 ans, sert de jumelles à sa mère et sa grand-mère restées à terre. «Je vois une grande banderole là-bas. Il est écrit : « En France, on tue les Noirs, les Juifs et les Arabes. » Il y a des gens jusqu’à loin dans la rue [boulevard Saint-Martin, ndlr].» Ils sont venus tous les trois, en famille. La grand-mère : «C’est le petit qui a insisté, il avait raison. Il faut savoir manifester les choses.» «De voir tous ces gens, pas forcément de confession juive d’ailleurs, réunis contre la barbarie, c’est formidable», poursuit la fille. Ethan descend de son perchoir, la marche débute. Direction place de la Bastille.
«Je crains toute forme de récupération»

Yaël, 35 ans, marche d’un bon pas, avec dans les mains un pot de yaourt en verre protégeant une bougie : «C’est la République française, laïque et égalitaire qui est attaquée. C’est important d’être rassemblés ce soir. On est à la veille des élections, le fait de cibler des minorités, quelles qu’elles soient, est inquiétant. Je crains surtout toute forme de récupération, des politiques ou des religieux d’ailleurs.»

Un peu plus loin, une brochette d’élus, bras dessus bras dessous, s’arrêtant tous les cent mètres pour poser devant les photographes. Au centre, le maire de Paris (PS), Bertrand Delanoë, entouré entre autres de sa première adjointe, Anne Hidalgo, et de Harlem Desir, numéro 2 du PS. Tous (sauf Bertrand Delanoë) portent les couleurs bleu-blanc-rouge en écharpe.

21 heures, la marche se déroule dans le calme, les gens discutent entre eux, refont le fil des événements. Dans les airs, très peu de pancartes, un certain nombre de drapeaux français. Quelques autres, moins nombreux, aux couleurs d’Israël.
«Tous ces jeunes mobilisés, ce soir, ça fait plaisir»

Un homme, avec une petite valise à roulettes, le visage fermé. Il s’appelle André, habite Toulouse et travaille toute la semaine à Paris. Ce matin, comme tous les lundis, avant de prendre son avion, il a déposé sa fille à la station de métro la plus proche. Elle est en classe de seconde, au lycée Ozar Hatorah où s’est déroulé le drame. «Elle avait quelques minutes de retard ce matin, elle devait retrouver une copine pour échanger un cours. Elle était encore dans le métro quand la fusillade s’est produite, elle a rebroussé chemin. On est sous le choc. Si en étant là je peux partager une once de la peine des familles des victimes, c’est toujours ça.»

Quelques mètres sur la gauche, on rencontre Françoise et Lucien, retraités parisiens. Ils ont appris l’existence de cette marche en regardant la télévision, vers 19 heures, «avec les bandeaux qui défilent où ils donnent les dernières nouvelles». Ils ne sont pas de confession juive, «mais quand on s’en prend à des enfants, tout le monde se sent concerné», selon Françoise. Pour elle, «que Guéant [le ministre de l’Intérieur, ndlr] ose s’exprimer sur cette affaire, c’est choquant. Avec ses sorties sur le halal et le casher, il a fait monter les tensions. Les fous se nourrissent aussi de ce qu’ils entendent autour d’eux». «A condition que ce soit l’acte d’un fou. Espérons-le», coupe Lucien allumant une roulée. Françoise reprend la main : «En tout cas, des manifestations, j’en ai fait dans ma vie. Celle-ci est particulière, croyez-moi. Tous ces jeunes mobilisés, ce soir, ça fait plaisir.»

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