Tchad : cinq personnes interpellées après l’agression sexuelle d’une jeune femme

Le Monde, 16 février 2016 :

La justice tchadienne a réagi à l’enlèvement et au viol de la jeune Zahara Mahamat Yosko, alias Zouhoura, qui agite le pays depuis le week-end dernier. Cinq personnes, dont le fils du ministre des affaires étrangères, ont été interpellées et déférées, mardi 16 février, a annoncé le procureur de N’Djamena, Bruno Louapambe Mahouli. Quatre individus sont encore recherchés.

Plusieurs centaines de jeunes Tchadiens avaient manifesté à N’Djamena, le 15 février, pour réclamer justice contre le viol présumé de la jeune fille de 17 ans, dont les images ont été diffusées sur les réseaux sociaux. La manifestation, dispersée par la police anti-émeutes, a fait un mort, un adolescent de 17 ans, Abachou Hassan Ousman, élève au lycée de la Liberté. De nouveaux rassemblements ont été signalés dans la capitale mardi.

L’affaire, révélée par Tchad Today sur Facebook, a suscité beaucoup d’émotion au Tchad où le viol reste un sujet tabou. Au petit matin du 13 février, l’adolescente, « accompagnée d’une amie, se rendait au lycée lorsqu’elle a été enlevée par sept hommes, cinq en voitures et deux en moto, raconte Mamie, sa grande sœur de 23 ans, interrogée par le Monde Afrique. « Deux des jeunes étaient dans le même lycée qu’elle. Les garçons lui ont dit qu’elle a été enlevée parce qu’elle ne leur disait pas bonjour. Même avant la séquestration, elle avait peur d’eux parce qu’ils passaient leur temps à tabasser les filles. C’est sûr, ce n’est pas la première à qui cela arrive mais nous voulons qu’elle soit la dernière », martèle-t-elle.

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« Les fils des généraux de l’armée »

La famille, alertée par une amie de Zouhoura se met alors à sa recherche. En vain. Leur fille ne rentrera que le soir, vers 19 heures, heure locale. Elle raconte alors à ses proches son calvaire. « Ma sœur nous a dit qu’elle a été emmenée dans une maison loin du centre-ville, dans le quartier de Ginedor. Deux d’entre eux avaient le visage caché mais elle a pu identifier les autres agresseurs. Elle nous a dit qu’ils étaient les fils des généraux de l’armée et qu’ils l’ont tabassée et dénudée. Ils ont ensuite pris des photos d’elle et ont menacé de publier les images sur Facebook si elle les dénonçait », témoigne Mamie qui nie l’accusation d’agression sexuelle dont parlent les médias et les réseaux sociaux. L’avouer serait un déshonneur.

« Elle n’a pas été touchée, elle reste vierge, mais je considère que ce qu’ils lui ont fait est pire que le viol. Aujourd’hui, ses photos nues circulent partout sur Internet », poursuit sa sœur, émue aux larmes. Nous vivons dans un pays où la justice n’existe pas. Mais nous voulons que ces barbares soient condamnés pour qu’ils ne refassent plus cela à quelqu’un d’autre. »

C’est pour obtenir justice que les camarades de lycée de la jeune Zouhoura et d’autres jeunes se sont rassemblés devant le domicile de la victime pour marcher en direction du palais de justice. En entonnant l’hymne national, les manifestants ont marché dans la capitale, munis de banderoles sur lesquelles on pouvait lire « Justice pour Zouhoura » ou encore « Nous sommes tous Zouhoura, notre dignité bafouée. »

« Acte barbare, ignoble et innommable »

Mais les manifestants n’atteindront pas le palais de justice. La police est intervenue à quelques rues de là et a lancé des gaz lacrymogènes. « Il y a eu aussi des tirs à balle réelle, raconte l’un des manifestants. ll s’en est suivi une course poursuite contre nous à travers la ville, et c’est au niveau du lycée de la liberté qu’un de nos camarades est tombé fauché par une balle. »

« Nous avons arrêté deux des violeurs, mis à la disposition du procureur pour la suite de l’enquête », a indiqué le porte-parole de la police.

Réagissant au viol de la jeune fille, le président tchadien Idriss Déby Itno a dénoncé un acte « ignoble ». « C’est en père de famille scandalisé que je réagis à cet acte barbare, ignoble et innommable », a déclaré le chef de l’Etat dans un communiqué, promettant que « justice sera rendue ».

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