« Dépénaliser les prostitué(e)s, pénaliser les acheteurs de sexe! »

abolitionprostitution

Si la dépénalisation des personnes prostituées et la pénalisation des
acheteurs de sexe ne remplacera pas une politique volontaire et globale
contre les violences faites aux femmes et pour leur émancipation
économique, sociale, politique et sexuelle, elle est une étape
indispensable qui permet de remettre les responsabilités à leur place.
Ce ne sont pas les personnes précaires et/ou victimes de réseaux mafieux
qui sont coupables de l’oppression patriarcale et capitaliste, mais bien
les hommes qui achètent l’usage d’un corps humain comme ils le feraient
d’un objet.

 

TRIBUNE – D’éminents médecins français, comme le Dr Xavier Emmanuelli, le généticien Axel Kahn ou le gynécologue Israël Nisand, demandent le renfort de « la lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains », qui passerait par la fin des mesures répressives à l’encontre des personnes prostituées l’interdiction de « l’achat d’un acte sexuel ».

Certains d’entre nous le rappelaient il y a un an dans Le Monde : la prostitution est d’abord « un nombre incalculable et quotidien de pénétrations vaginales, anales, buccales non désirées ». La violence est inhérente à l’activité prostitutionnelle. Pour ne citer qu’une de ces violences, auxquelles les personnes prostituées doivent faire face en Europe, entre 16% et 76% des femmes prostituées déclarent avoir été victimes de viol dans les douze derniers mois. Le taux de mortalité des personnes en situation de prostitution est six fois plus élevé que celui du reste de la population.

Univers de violences, qu’elles soient le fait de réseaux de proxénètes ou des clients, et de contraintes, qu’elles soient financières, psychiques ou physiques, la prostitution est incompatible avec la définition de la santé sexuelle donnée par l’OMS : « La santé sexuelle est un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social associé à la sexualité. Elle ne consiste pas uniquement en l’absence de maladies, de dysfonctions ou d’infirmités. La santé sexuelle a besoin d’une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, et la possibilité d’avoir des expériences sexuelles qui apportent du plaisir en toute sécurité et sans contraintes, discrimination ou violence. »

«La prostitution est en soi une atteinte grave à la santé physique et psychologique qu’il faut faire reculer tout en protégeant ses victimes.»

En matière de prostitution, le monde de la santé ne peut pas se contenter, comme le proposent certains, d’une approche de réduction des risques ou de la simple prévention des maladies sexuellement transmissibles. La prostitution est en soi une atteinte grave à la santé physique et psychologique qu’il faut faire reculer tout en protégeant ses victimes. C’est pourquoi nous soutenons l’adoption rapide de politiques publiques permettant de renforcer la lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains, de supprimer les mesures répressives à l’encontre des personnes prostituées et leur offrir un accès à de véritables alternatives, y compris pour les personnes étrangères, et enfin d’interdire l’achat d’un acte sexuel qui permet d’imposer un acte sexuel par la contrainte financière.

Sur ce dernier point, les sénateurs et sénatrices pourraient s’appuyer plus fortement sur les « Dispositions spéciales visant à prévenir l’exploitation et les abus sexuels », une circulaire établie par le secrétaire général des Nations unies Kofi Annan en 2003. Dans ce texte, le secrétaire général des Nations unies définit le terme d’abus sexuel et interdit en conséquence tout achat d’un acte sexuel : « On entend par ‘abus sexuel’ toute atteinte sexuelle commise avec force, contrainte ou à la faveur d’un rapport inégal, la menace d’une telle atteinte constituant aussi l’abus sexuel. » Il précisait en conséquence à l’intention de l’ensemble du personnel des Nations unies : « Il est interdit de demander des faveurs sexuelles ou d’imposer toute autre forme de comportement à caractère humiliant, dégradant ou servile en échange d’une somme d’argent, d’un emploi, de biens ou de services, y compris toute assistance due à toutes personnes. »

Premiers signataires :
Dr Xavier Emmanuelli, médecin, fondateur du SAMU social
Dr Axel Kahn, généticien, membre du Comité Consultatif National d’Ethique
Pr Israël Nisand, gynécologue, fondateur du Forum Européen de Bioéthique
Dr Christophe André, psychiatre
Dr Muriel Salmona, psychiatre, présidente de Mémoire Traumatique et Victimologie
Dr Emmanuelle Piet, gynécologue, présidente du Collectif Féministe Contre le Viol
Dr Judith Trinquart, médecin légiste
Dr Gilles Lazimi, médecin, membre du Haut Conseil à l’Egalité entre les Femmes et les Hommes (HCEFH)
Dr Jean-Pierre Salmona, cardiologue
Dr Marianne Baras, médecin légiste
Dr Jean-Pierre Frachet, médecin, membre du réseau ZéroMacho
Dr Hamid Hihi, médecin
Dr Jean-Claude Alt, anesthésiste
Dr Didier Béguin, médecin
Dr Donatien Mallet, docteur en médecine interne

Laisser un commentaire