Texte de Rosa Luxembourg (extraits de « Dans l’asile de nuit) publié dans « Communisme-Ouvrier n°50« , bulletin de l’Initiative Communiste-Ouvrière :
Chaque année avec l’arrivée du froid, les dépêches se lancent dans le décompte sordide des morts de sans-abris. Oubliant qu’on meure dans la rue aussi l’été, mais de façon moins visible, les mêmes, comme Valls, qui imposent les logiques d’austérité jusque dans l’hébergement d’urgence, appellent avec toute l’hypocrisie dont sait faire preuve la société bourgeoise, à la « générosité ».
Cette année, alors que résonnaient encore les vœux de bonne année, Francesca, une fillette Rrom de 2 mois et demi, est morte dans les bras de sa mère à la gare de Lille-Flandres. Selon les services sociaux, la famille « avait été repérée comme vulnérable en raison de la présence d’un nourrisson, et signalée pour obtenir un hébergement. Mais il n’y avait pas de place. »
Voilà la société bourgeoise, dans un des pays les plus riches du monde, dans un pays capable de secourir d’urgence 15.000 « naufragés de la route » mais incapable d’offrir, ne serait-ce qu’un endroit chauffé à une famille et un bébé, dans toute son horreur.
L’article de Rosa Luxembourg publié le 1er janvier 1912 après la mort de plusieurs dizaines de sans-abris à Berlin résonne, encore aujourd’hui, d’une cruelle actualité :

Personne n’ignore qu’il existe des asiles de nuit, des mendiants, des prostituées, une police secrète, des criminels et des personnes préférant l’ombre à la lumière. Mais d’ordinaire on a le sentiment qu’il s’agit là d’un monde lointain et étranger, situé quelque part en dehors de la société proprement dite. Entre les ouvriers honnêtes et ces exclus, un mur se dresse et l’on ne pense que rarement à la misère qui se traîne dans la fange de l’autre côté de ce mur. Et brusquement survient un événement qui remet tout en cause : c’est comme si dans un cercle de gens bien élevés, cultivés et gentils, au milieu d’un mobilier précieux, quelqu’un découvrait, par hasard, les indices révélateurs de crimes effroyables, de débordements honteux. Brusquement le spectre horrible de la misère arrache à notre société son masque de correction et révèle que cette pseudo-honorabilité n’est que le fard d’une putain. Brusquement sous les apparences frivoles et enivrantes de notre civilisation on découvre l’abîme béant de la barbarie et de la bestialité. On en voit surgir des tableaux dignes de l’enfer : des créatures humaines fouillent les poubelles à la recherche de détritus, d’autres se tordent dans les affres de l’agonie ou exhalent en mourant un souffle pestilentiel.
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