Interview de Nicolas Dessaux par Camile Boudjak parue dans le n°66 du bulletin Communisme-Ouvrier de juin 2016
Camille Boudjak : La loi travail propose une mesure pour généraliser les référendums dans les entreprises. Est-ce que ça n’est pas un pas vers la démocratie dans l’entreprise ?
Nicolas Dessaux : Dans les histoires, les bandits sortent des buissons en criant « la bourse ou la vie ?! ». Dans les conditions actuelles, le référendum d’entreprise ressemble à cela. C’est le patron qui pose la question et les salariés qui y répondent. Il est libre d’exercer une chantage : « vous acceptez ma proposition ou bien je ferme la boutique », comme cela s’est déjà vu. Ils pratiquent déjà suffisamment cela dans les négociations avec les syndicats. Il peut également jouer sur la détresse financière des salariés pour faire passer des mesures qui leur sont en réalité défavorables, sur le travail du dimanche ou les heures supplémentaires. La hiérarchie peut exercer des pressions sur certains salariés pour obtenir la majorité. Bref, c’est une arme supplémentaire qu’on offre au patronat pour s’attaquer aux salariés.
Des dispositions légales existent déjà depuis 2010, mais elles sont relativement encadrées puisque la liste des sujets ouverts à référendum est limitée. Cette proposition sur les référendums est en fait complémentaire de ce qu’on appelle l’« inversion de la hiérarchie des normes », c’est-à-dire qu’il s’agit de démanteler le code du travail en lui substituant des accords d’entreprises. Il s’agit une fois de plus d’atomiser le monde du travail, d’isoler les salariés boîte par boîte.