L’Express, 9 septembre 2016 :
Dénonçant une forme moderne d’esclavage, les prisonniers américains, contraints à l’exécution de travaux au cours de leur détention, observent ce vendredi une grève. Le mouvement est suivi dans 24 Etats.
D’après ses organisateurs, ce devrait être « la plus importante grève en prison de toute l’histoire » carcérale américaine. Ce vendredi, les prisonniers incarcérés dans 24 Etats sont appelés à cesser le travail qu’ils sont contraints d’exécuter. A l’appel d’un comité des travailleurs incarcérés (Incarcerated Workers Organizing Committee, Iwoc), ils protestent contre la très faible rémunération de leurs activités.
De par leur statut, les détenus américains ne sont pas soumis aux lois qui encadrent le travail aux Etats-Unis et le salaire qui leur attribué est très bas. Quartz rapporte qu’un prisonnier gagne entre 0,12 et 0,40 dollar de l’heure – entre 10 et 35 centimes- en fonction des Etats. Dans certains cas, comme au Texas, ils ne touchent carrément rien.
A titre de comparaison, en France, selon Libération, un prisonnier touchait en 2015 un salaire moyen de 337 euros pour un emploi à temps complet. Ce qui correspond à un salaire horaire net de 1,71 euro de l’heure.
Dénoncer un « esclavage moderne »
Alors que près de 900 000 personnes sont actuellement détenues aux Etats-Unis et que les travaux forcés sont obligatoires dans la très grande majorité des établissements pénitentiaires, l’Iwoc appelle donc à « la fin d’un esclavage moderne ».
Si la majorité s’acquitte de travaux de maintenance et d’entretien dans les prisons, 80 000 détenus sont employés à l’extérieur, par le biais de contrats passés entre le gouvernement et des entreprises privées. L’administration pénitentiaire, de son côté, refuse d’entendre parler d’augmentation de salaires: ses représentants affirment qu’elle n’en a pas les moyens. Ce que les grévistes refusent d’entendre.
45 ans après la révolte d’Attica
« Rien n’empêche les employeurs de payer les prisonniers un salaire décent, (mais) il est assez clair que cela ne se fera pas tout seul. Pas plus que l’esclavage a pris fin dans ce pays parce que les propriétaires d’esclaves ont été un jour touchés par la lumière divine », confirme Paul Wright, avocat spécialisé dans le droit des détenus.
Cette grève est donc l’occasion de médiatiser cette question. A ce petit jeu, les prisonniers américains ont fait fort: ils organisent leur journée d’action le jour du quarante-cinquième anniversaire de la révolte de la prison d’Attica.
A l’époque, les prisonniers avaient obtenu l’amélioration de leurs conditions d’incarcération… au prix d’une mutinerie.