Le Courrier, 6 septembre 2016 :
Le dialogue entre le syndicat Unia et Alpen Peak est rompu. Des plaintes ont été déposées.
Les six ouvriers polonais en grève ont passé leur septième nuit sur le chantier de Sainte-Croix où ils étaient payés entre 8 et 9 euros de l’heure. Unia appelle leur employeur Alpen Peak à payer 100 000 francs d’arriérés de salaires. L’entreprise basée à Neuchâtel refuse tout dialogue tant que le chantier est occupé par les grévistes.
Le syndicat et l’entreprise se livrent à un véritable bras de fer. Jeudi, après requête d’Unia, le Tribunal civil de Neuchâtel ordonnait un séquestre des biens de l’entreprise. Au rez-de-chaussée des locaux de l’entreprise, à Sainte-Croix, des stocks de matériels ont été scellés. L’Office des poursuites et faillites du canton de Neuchâtel a saisi six véhicules de l’entreprise, dont la BMW de fonction du directeur. «Dès mercredi, nous avions constaté que des véhicules partaient chargés d’ordinateurs et de classeurs du bureau», relate Catherine Laubscher, secrétaire syndicale d’Unia Neuchâtel. Le syndicat a aussitôt soupçonné la société de procéder à une fuite des biens de l’entreprise, pour se rendre insolvable et in fine échapper au paiement des arriérés de salaire.
Bataille juridique
Alpen Peak affirme avoir déposé plainte pour occupation illicite de ses chantiers. Lundi, le tribunal d’arrondissement d’Yverdon prononçait une mesure super provisionnelle invitant le syndicat et les grévistes à quitter les lieux. «Celle-ci se base uniquement sur le critère de propriété de l’immeuble» précise Edy Zihlmann, syndicaliste. Les grévistes sont déterminés à rester et une audience doit avoir lieu prochainement. «Nous ferons valoir nos droits syndicaux à rester sur le chantier tant qu’il y a un conflit social ouvert» s’exclame Catherine Laubscher.
Les six employés ont déposé plainte pour faux dans les certificats et usure. Selon eux, le nombre d’heures indiqué sur la fiche de salaire se situe bien en-deçà de la réalité. À 8 euros, leur salaire correspond au tiers des 24,70 francs exigés par la convention collective. Les travailleurs devaient encore débourser 660 francs par mois pour un lit dans un appartement en commun.
La direction d’Alpen Peak ne s’est exprimée que par voie de communiqué. Elle affirme que l’ensemble des heures travaillées ont été versées aux salariés et que ceux-ci logeaient dans des appartements d’un loyer de 150.- par mois pour trois employés. Elle se dit «tout à fait prête à produire les justificatifs à qui de droit le moment venu».
D’autres sociétés touchées
Unia allègue que l’entreprise, active dans le courtage immobilier, rénove des bâtiments à bas prix grâce au travail d’ouvriers sous-payés. Le syndicat a enquêté sur une série d’entreprises étroitement liées à Alpen Peak. Les ouvriers grévistes ont notamment travaillé sur six chantiers appartenant la société TransCrea agence immobilière basée à Sainte-Croix. Ses propriétaires détiennent une entreprise en commun avec Laurent de Giorgi, à la tête d’Alpen Peak.
Hier, Unia menait une action devant le siège de Transcrea. «Cette société a une responsabilité morale concernant les conditions de travail des ouvriers», martèle Catherine Laubscher en appelant la direction à se mettre à la table des négociations. Philippe Gerber, directeur de l’entreprise, s’abstient de tout commentaire.
La grève bénéficie d’un soutien populaire et politique. Hier, 51 députés signaient une déclaration appelant le Conseil d’Etat à intervenir pour favoriser les négociations. Le groupe La Gauche déposait en même temps une interpellation proposant de légiférer pour permettre aux associations professionnelles de bloquer les chantiers en cas de violation des conventions collectives de travail. À Sainte-Croix, un comité citoyen, dont le chanteur Michel Bühler, apporte son soutien aux grévistes. Une pétition a permis de récolter 500 signatures. La municipalité se dit quant à elle «à disposition des parties afin de faciliter la recherche d’une solution à ce conflit».