L’Humanité, 1 juillet 2016 :
Après plus de deux ans de luttes, les prud’hommes ont reconnu le statut de victimes à ces travailleuses du quartier Château d’Eau, à Paris.
Épilogue heureux, triomphe flamboyant et immense soulagement pour les anciennes coiffeuses et manucures du quartier Château d’Eau situé dans le 10e arrondissement de Paris, fief de la beauté afro. Seize travailleuses, surexploitées par des gérants d’un salon de beauté du 57, boulevard de Strasbourg, ont obtenu gain de cause auprès des prud’hommes, mercredi. Le tribunal a reconnu leur statut de victimes et le travail clandestin imposé pendant des années par leur « patron » véreux. La liste des revendications qui ont abouti, rapportée par la CGT, parle d’elle-même. Les travailleuses vont toucher des arriérés de salaire calculés sur la base du Smic, le paiement de congés payés en fonction des heures supplémentaires (certaines travaillaient 80 heures par semaine). Cerise sur le gâteau, elles vont percevoir des indemnités forfaitaires égales à six mois de salaire et cinq cents euros de dommages-intérêts pour préjudice moral. Pour rappel des faits, ces travailleuses sans papiers avaient fait grève pendant des mois en 2014, avec le soutien indéfectible de la CGT, des élus et des militants du Front de gauche. Elles avaient alors signé un contrat de travail pour 35 heures par semaine et reçu des fiches de paie. Une liquidation judiciaire de l’établissement par le gérant, en juillet de la même année, avait relancé la mobilisation des travailleuses. Elles voient enfin le bout du tunnel.
Les combatives ex-salariées, les militants cégétistes et les communistes veulent que ce verdict exemplaire fasse tache d’huile dans le quartier. « C’est une leçon pour tous les patrons frauduleux. Désormais, ceux qui exploitent une personne savent que ça pourra se retourner contre eux », se réjouit Fatou, une ex-coiffeuse d’origine africaine. Marilyne Poulain, syndicaliste de l’Union départementale CGT de Paris, espère que « ça va encourager d’autres travailleurs à lutter pour leur émancipation ». Elle reste toutefois sur ses gardes, car la partie adverse a un mois pour faire appel du jugement.
La lutte se poursuit aussi sur d’autres terrains. Une audience au pénal aura lieu, en septembre, à la suite du dépôt en août 2014 d’une plainte contre X par les salariées et la CGT pour traite d’êtres humains, notamment. Pour l’emporter, elles comptent s’appuyer sur le procès-verbal de l’inspection du travail qui tranche en faveur des salariées, reconnaissant que « profitant de leur état de vulnérabilité, les gérants les ont fait travailler dans des conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine ».
Le Parisien, 1 juillet 2016 :
Ce n’est pas encore l’épilogue du long combat des manucures et coiffeurs chinois et africains du quartier Château-d’Eau (Xe), mais tout au moins une première victoire judiciaire. Seize employés de l’ancienne boutique du 57, boulevard de Strasbourg, qui avait été le fer de lance des employés sans papiers des instituts afro du quartier, entre 2013 et 2014, viennent d’obtenir gain de cause, mercredi, devant les prud’hommes contre leur ancien employeur. S’estimant exploités, sous ou pas payés entre la date de leur embauche et la liquidation judiciaire de la boutique, ils sont sortis vainqueurs de l’audience. Non seulement les juges prud’homaux ont demandé le paiement de l’ensemble des arriérés de salaires, des heures supplémentaires mais aussi celui de leurs congés payés, de dommages et intérêts pour préjudice moral et le règlement d’une indemnité forfaitaire de six mois pour travail dissimulé.
« Au total, les salariés, en fonction de leur date d’embauche, toucheront entre 20 000 € et 28 000 €, souligne Marilyne Poulain, de l’UD CGT, qui les défend depuis les premières heures de leur combat. Et tous se retrouveront ensuite, le 23 septembre devant le tribunal correctionnel pour l’examen, au pénal, de leur dossier. » Les anciens gérants des salariés du 57, boulevard de Strasbourg comparaîtront pour traite d’êtres humains, et quatorze autres infractions.