Le problème c’est le racisme, pas la Corse

Article de Communisme-Ouvrier n°61, janvier 2016, bulletin de l’Initiative Communiste-Ouvrière :

Le 25 décembre à Ajaccio, 200 à 300 personnes sont parties en hurlant des slogans racistes (« Arabi Fora », « On est chez nous », « Il faut les tuer ») vers le quartier des Jardins de l’Empereur, terrorisant les habitants. Une salle de prière musulmane du quartier et un restaurant kebab ont été saccagés, des portes d’immeubles, des boîtes aux lettres et des véhicules ont été cassés, des individus sont entrés dans les cages d’escaliers pour cogner, et c’est heureux que personne n’ait été blessé… De nouvelles manifestations avec des slogans xénophobes ont eu lieu les 26 et 27 décembre vers le même quartier.

Il convient tout d’abord de refuser les discours visant à « justifier » ces violences racistes par l’agression de pompiers. En quoi une poignée de voyous justifierait-elle qu’on terrorise les 1 700 habitants d’un quartier ? Quel rapport avec la salle de prière musulmane, le restaurant kebab ou les deux femmes qui se trouvaient dans une voiture lorsqu’une pierre a brisé le pare-brise ? Plusieurs témoignages confirment que, le 25 décembre, des militants de l’extrême-droite raciste étaient au rassemblement de soutien aux pompiers agressés pour attirer une partie des manifestants (moins de la moitié) vers les Jardins de l’Empereur. Il ne s’agit pas, contrairement à ce qu’ont pu titrer des journaux, de « dérapages », mais bien d’un déferlement de violences racistes.

Ce n’est qu’après deux jours de manifestations et de violences racistes que le préfet a interdit les manifestations… Dans d’autres villes, comme à Paris pour la COP 21, on a vu la rapidité des forces de police pour réprimer tout début de manifestation, arrêter de nombreux manifestants… là, après les violences xénophobes d’Ajaccio, il n’y a eu aucune arrestation, pas la moindre garde à vue. Et même si la plupart des politiciens ont condamné ces violences, on est loin des hurlements qui ont suivis les chemises arrachées à Air France. S’en prendre à 1 700 habitants d’un quartier populaire, à des ouvriers, à des employés, à des chômeurs et à des retraités, dont de nombreux travailleurs immigrés et leurs enfants, serait-il finalement bien moins grave ?

Pour les communistes, le nationalisme doit être combattu et le nationalisme corse n’est pas plus sympathique qu’un autre. Pourtant, on doit dénoncer les discours qui voudraient minimiser cette violence raciste en en faisant un « problème corse ». Rien ne serait plus faux que de sombrer dans un certain chauvinisme français qui laisserait penser que de telles explosions xénophobes ne pourraient pas avoir lieu dans d’autres régions. Le 14 novembre dernier, c’est à Pontivy que lors d’une manifestation d’extrême-droite un jeune homme a été agressé en raison de sa couleur de peau. Des scènes de violences ont aussi eu lieu à Calais contre les réfugiés ou à Marseille contre des Rroms, sans parler des tueries antisémites de Toulouse ou de l’Hyper Cacher.Les scores du Front National et des autres partis d’extrême-droite aux dernières régionales, l’augmentation dans tous les départements des agressions racistes, tout cela montre bien que le racisme et le nationalisme se développent dans toute la France. Outre l’extrême-droite, dont la xénophobie est le fond de commerce, bien des politiciens, de droite comme de gauche, distillent et banalisent ce poison par leurs déclarations et leurs politiques, comme la chasse aux sans-papiers, les attaques contre le droit d’asile, la déchéance de nationalité, etc.

En Corse comme ailleurs, bien des habitants refusent et combattent le racisme. Après les menaces à Prunelli-di-Fium’Orbu, où la chanson Imagine devait être chantée en différentes langues dont l’arabe, 300 personnes se sont rassemblées pour dire non au racisme. Et, dès le 25 décembre, des jeunes Corses, athées ou catholiques, sont venus spontanément proposer d’aider à réparer la salle de prière musulmane des Jardins de l’Empereur. On ne peut combattre le racisme qu’en nous rassemblant et en nous mobilisant contre lui. C’est à la fois une nécessité vitale et un impératif humain.