A Paris, mobilisation de l’école Pajol pour un parent d’élève chinois menacé d’expulsion

Le Monde, 20 janvier 2016 :

Après six jours passés à manifester et à occuper leur école jour et nuit, les parents d’élèves de l’école Pajol, dans le 18e arrondissement de Paris, ont finalement obtenu gain de cause. Gao Peng, un sans-papiers chinois placé en rétention depuis le 23 décembre 2015, a retrouvé la liberté mercredi 20 janvier, après vingt-huit jours passés au centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes.

Visé par une obligation de quitter le territoire français (OQTF), cet homme de 37 ans avait été interpellé en situation irrégulière dans une blanchisserie. Il était accusé de travail clandestin. Dimanche, il avait été libéré en première instance, avant que le parquet ne fasse appel dans la foulée. Les parents d’élèves de l’école Pajol, dans laquelle est scolarisée sa fille de 5 ans, avaient décidé de reconduire leur mouvement de façon illimitée.

C’est « un grand soulagement », a réagi Jean-Pierre Fournier, membre du Réseau éducation sans frontières. Depuis le 15 janvier, des dizaines de parents d’élèves se relayaient et multipliaient les actions afin d’interpeller les pouvoirs publics pour obtenir la libération de « Monsieur Gao », qui risquait à tout moment « d’être mis dans le prochain avion », comme s’inquiétait la directrice de l’école Pajol, Véronique Rivière.

« Il y a les droits humains »

Ce qui préoccupait le plus les parents, c’était la situation de W., la fille de Gao Peng, privée de son père pendant près d’un mois : « Elle a pu lui parler au téléphone. Mais ils n’osaient plus lui passer parce qu’elle pleurait à chaque fois », s’émouvait une enseignante. Parents et instituteurs mettaient aussi en avant la situation de sa mère, enceinte, dont l’investissement dans la vie de l’école et dans la papothèque (un groupe de parole pour apprendre le français, ouvert aux membres d’une même communauté) est vanté par tous. En possession d’un titre de séjour temporaire, elle est demandeuse d’asile et attend de voir sa situation régularisée. Si Gao Peng venait à devoir retourner en Chine, elle ne pourrait pas le suivre.

Arrivé en France en novembre 2011, Gao Peng ne remplit pas les conditions pour demander sa régularisation. La circulaire Valls du 28 novembre 2012 exige des parents d’élèves scolarisés demandeurs d’un titre de séjour de pouvoir justifier de cinq années passées sur le territoire. Leur enfant doit également avoir été scolarisé au moins trois ans, ce qui n’est pas le cas de W., à l’école depuis mars 2015.

Soutien de plusieurs élus

« Même si les critères ne sont pas remplis, il y a les droits humains », dénonçait Jean-Pierre Fournier, quelques jours avant la libération de Gao Peng. « Nous voulons la possibilité pour une petite fille de grandir avec ses deux parents. » Marie Lindemann, de l’Association service social familial migrants, qui suit le dossier de Gao Peng au CRA de Vincennes, déplorait pour sa part que dans ce genre de situation, « l’intérêt supérieur de l’enfant ne prime jamais ».

« Le système de gestion des sans-papiers est aberrant et scandaleux, dénonce Hugo Touzet, élu communiste du 18e arrondissement chargé de l’accès au droit. On ne peut pas dire à la fois “il faut que les étrangers s’intègrent” et traiter de cette manière ceux qui essaient de le faire. Au-delà du problème de sa libération immédiate, comment peut-on élever ses enfants dans une atmosphère sereine quand on peut à tout moment se faire expulser ? »

Au fil des jours, ponctués d’assemblées générales et entrecoupés de nuits passées en famille à l’école, les parents d’élèves ont reçu le soutien de plusieurs élus (PCF, PS et EELV) du 18e arrondissement, ainsi que celui de Ian Brossat, adjoint (PCF) chargé du logement et de l’hébergement d’urgence. Pierre Laurent, sénateur de Paris et secrétaire national du PCF, s’est fendu mardi soir d’une lettre au préfet demandant la libération de Gao Peng.

Menace d’une nouvelle arrestation

Cette remise en liberté appelée de concert par les parents, enseignants et élus, écarte temporairement la menace d’un renvoi en Chine. Avec l’espoir, peut-être, d’obtenir à terme l’abrogation de l’OQTF qui touche le père de famille. Rien n’est moins sûr, à en croire Me Henri-Louis Dahhan, avocat de Gao Peng : « Il n’y a pas d’impossibilité mécanique à ce que cela se fasse, mais je n’y crois pas. Ce n’est pas dans l’habitude du préfet. »

En revanche, la lenteur de la reconnaissance par le consulat chinois de la nationalité de son client a joué en sa faveur : « Le consulat annon(çait) une “reconnaissance difficile”, alors que la plupart du temps il prédit un “résultat possible dans les deux semaines” ». Or il est impossible de renvoyer un étranger vers un pays qui ne l’a pas reconnu comme un de ses ressortissants.

Pour l’heure, Gao Peng ne risque plus une éviction immédiate. Mais il devra vivre pendant encore un an, jusqu’à la fin de l’OQTF, soumis à la menace d’une nouvelle arrestation. Avec le risque, comme le souligne Jean-Pierre Fournier, « de voir se remettre la machine en route ».

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