SNCF : «Dans certains cas, la désobéissance est un devoir. »

L’Humanité, 22 juin 2015 :

L’entreprise publique a mis à disposition des forces de l’ordre qui contrôlent les migrants, une partie de la gare 
de Menton-Garavan. Outré, le secrétaire général de la CGT cheminots interpelle la direction.

«Dans certains cas, la désobéissance est un devoir. » Ainsi Gilbert Garrel, secrétaire général de la fédération CGT des cheminots, conclut-il sa lettre, adressée à Guillaume Pepy le 19 juin dernier. Depuis des semaines, les gares SNCF de Nice et de sa région vivent cernées par les cars de CRS, au rythme des descentes policières et des va-et-vient de la police aux frontières qui systématiquement contrôle chaque train en provenance d’Italie avec pour unique objectif de reconduire à la frontière les migrants venus d’Afrique, du Proche et du Moyen-Orient. La grille horaire SNCF a même été bouleversée sur toute la région pour absorber le retard pris par le contrôle des trains en provenance d’Italie, y compris les trains privés Thello.

Musique sombre des années noires

À un kilomètre à peine de la frontière franco-italienne, la petite gare de Menton-Garavan « sert de “parc à migrants” encadré par les forces de l’ordre, pour organiser le reflux de ces pauvres êtres », dénonce Gilbert Garrel, précisant que « les dirigeants locaux de la SNCF se couvrent derrière les ordres de réquisitions préfectorales pour mettre cette enceinte SNCF à la disposition de la police ». Pour la CGT résonne la musique sombre des années noires et « du rôle joué par la SNCF durant la Seconde Guerre mondiale (…) sous les ordres du gouvernement de Vichy ».

L’analogie pèse lourd. Rappelant les excuses prononcées il y a quelques années par la direction de l’entreprise publique sur le sol états-unien – en omettant au passage de rendre hommage aux cheminots en résistance –, Gilbert Garrel tire la sonnette d’alarme. « La direction SNCF avait jusqu’alors établi sa défense sur le principe de la réquisition imposée par l’État français dans cette période sombre de notre histoire (…) alors Monsieur le président, dans quelques années, un de vos successeurs va-t-il présenter ses excuses sur le sol africain ? » interpelle la CGT cheminots.

À Menton comme ailleurs, nombreux sont les travailleurs du rail engagés aux côtés des associations qui, quotidiennement, apportent aide et réconfort aux réfugiés de la Méditerranée. Des cheminots choqués des largesses de la direction régionale de la SNCF pour faciliter le travail de la police. « Les forces de l’ordre ont réquisitionné les locaux qui se trouvent au-dessus des guichets de la petite gare de Menton-Garavan », confirme Ivan, secrétaire du syndicat CGT des cheminots de Menton et Vintimille, sans toutefois pouvoir affirmer qu’ils servent, ou non, à « trier » les migrants. De son côté, la préfecture assure qu’aucun arrêté de réquisition n’a été pris, les mises à disposition des bâtiments ferroviaires ne nécessitant, selon elle, aucune demande préalable.

Défendre les valeurs du service public

Reste le zèle douteux dont fait preuve la direction régionale de la SNCF dans cette affaire et qui dépasse, d’ailleurs, le seul cas de la gare de Menton-Garavan. « Ceux qui arrivent à passer entre les mailles du filet à Menton arrivent à la gare de Nice-ville, d’où partent les TGV qui montent vers Paris », explique un cheminot niçois. Rassemblés sur le quai principal de la gare de Nice-ville, « les réfugiés sont encerclés par des gère-files de la SNCF, à la vue des autres passagers, sans que la SNCF ne daigne mettre à leur disposition de quoi boire et manger », s’alarme une autre cheminote. Une situation d’autant plus scandaleuse que « ces personnes sont en règle vis-à-vis de la SNCF, qu’elles ont un titre de transport qui ne leur a même pas été remboursé, alors que le prix d’un billet représente un effort énorme dans leur situation d’extrême précarité », note Gilbert Garrel dans son courrier au président de la SNCF.

En appelant solennellement Guillaume Pepy à « s’opposer à ces procédures condamnables », le secrétaire général de la CGT cheminots met une nouvelle fois un point d’honneur à défendre les valeurs du service public. Un service public qui ne saurait « servir une politique européenne et française qui n’assume pas ses responsabilités et ne trouve de réponse que par la répression et la fermeture des frontières ».

2 réponses à “SNCF : «Dans certains cas, la désobéissance est un devoir. »

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