Article publié par l’Initiative Communiste-Ouvrière :
A l’heure où ces lignes sont écrites, ce sont déjà un millier de Palestiniens qui sont morts suite aux bombardements de l’armée israélienne dans la Bande de Gaza. En Syrie, la guerre entre le dictateur Achar Al-Assad et les bandes djihadistes de l’Etat Islamique ont transformé des villes entières, comme Homs ou Alep, en champ de ruines. En trois ans de guerre civile, le bilan est de 170.000 morts dont au moins 9.000 enfants selon l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme. Depuis la Syrie d’ailleurs, les forces de l’Etat Islamique ont lancé une vaste opération militaire en Irak, prenant ainsi le contrôle du Nord-Ouest dont la ville de Mossoul. La minorité chrétienne, mais aussi de nombreux chiites, fuient la zone contrôlée par l’EI. En Libye, les affrontements se poursuivent entre bandes armées rivales, un bilan cité par l’AFP le 27 juillet fait état de 98 morts et 400 blessés en deux semaines dans la seule ville de Tripoli et de 38 morts en vingt-quatre heures à Benghazi. Plusieurs journaux laissent entendre que le pire est à venir et que l’ensemble du pays est sur le point de basculer dans une sanglante guerre civile.
En Europe, les affrontements continuent dans l’Est de l’Ukraine. Si la presse en a parlé lorsqu’un missile a touché un avion de Air Malaisia, faisant 298 morts, politiciens et journalistes s’interrogent pour savoir si c’est l’armée ukrainienne ou les milices pro-russes qui ont tiré. Chacun des camps se renvoie la balle, mais ce qui est certain c’est que toute la population du Dombass est prise entre les tirs des deux bandes armées rivales. Un rapport de Human Rights Watch (HRW) sur les combats du 12 juillet rapporte ainsi que l’armée ukrainienne a bombardé des quartiers de Donetsk avec des roquettes « mass Grad », causant de nombreuses morts dans la population civile. A Lougansk, un bombardement aérien a fait 19 morts et 60 blessés vendredi 25 juillet. Selon les chiffres de l’ONU, la guerre dans l’Est de l’Ukraine a déjà fait plus d’un millier de morts.
Au Sud-Soudan, les rebelles de Riek Machar ont mis fin au cessez-le-feu le 20 juillet et ont pris le contrôle de la ville de Nassir. Le 27 juillet, les troupes gouvernementales ont repris la ville. Tout le nord du pays est ravagé par la guerre. Dans la presse, James Elder, responsable de l’UNICEF pour l’Afrique de l’Est, décrit « l’horreur » à Malakal, ville de l’Etat du Nil Supérieur : «Un quart de million de personnes y vivaient. Mais maintenant, c’est une ville fantôme. On a l’impression qu’elle a subi une série de catastrophes naturelles. D’abord les incendies. Tout a été brûlé ou pillé. Ensuite un tremblement de terre. Car beaucoup d’immeubles ont été détruits par les tirs de mortier. Et maintenant, on a l’impression que des cyclones s’en prennent à la ville, car c’est la saison des pluies». Plus que les combats en eux-mêmes, la guerre civile entre deux bandes rivales menace près de quatre millions d’habitants de la « pire crise alimentaire au monde ». Selon l’UNICEF, si rien n’est fait, 50.000 enfants risquent de mourir de faim d’ici la fin de l’année 2014.
On pourrait aussi citer la République Démocratique du Congo, où des affrontements continuent de menacer une paix précaire à l’Est du pays, où 2,5 millions de déplacés vivent toujours dans un dénuement total, faisant peser un risque prochain de grave crise humanitaire. Et cela d’autant plus qu’au Congo-Brazzaville, une vaste campagne est lancée par les autorités pour expulser massivement les réfugiés originaires de RDC. Ainsi, début juillet, en douze jours seulement, ce sont 10.000 ressortissants de RDC qui ont été expulsés à Pointe-Noire. Les guerres, les catastrophes humanitaires et la misère poussent des êtres humains à rechercher une vie meilleure et plus sure en traversant les frontières. Et aux frontières de l’Europe Forteresse, rescapés des guerres, des dictatures et de la faim, trouvent bien souvent la mort. Le HCR a ainsi lancé une alerte le 24 juillet : en dix jours seulement, 260 migrants ont trouvé la mort en Méditerranée. Chaque année le bilan est plus sanglant : 500 morts en 2012, 600 morts en 2013 et déjà 800 morts depuis le 1er janvier 2014.
Voilà quelques nouvelles du meilleur des mondes capitalistes possibles en ce mois de juillet 2014. Certains, y compris à l’extrême-gauche ou dans des courants qui se réclament du socialisme, tentent de trouver dans ces boucheries un « camp à soutenir ». En Ukraine par exemple, certains croient voir dans les milices pro-russes du Dombass des « résistants antifascistes ». Si l’hypocrisie de ceux qui soutiennent les oligarques de Kiev, alliés à des groupes nationalistes ukrainiens néo-nazis, au nom de la « défense de la démocratie », saute aux yeux, il en est de même pour ceux qui pensent trouver de « l’antifascisme » dans une « République du Dombass », dirigée par un monarchiste pan-slaviste ! Ce sont bien deux clans d’oligarques qui s’affrontent, oligarques russophones contre oligarques ukrainophones, nationalistes ukrainiens contre nationalistes pan-slavistes, soutenus les uns par Obama et les autres par Poutine. A l’Ouest comme à l’Est de l’Ukraine, avant le début du conflit, les bandes armées ont liquidés des opposants, des militants ouvriers et d’autres personnes jugées «peu fiables ». Et aujourd’hui, comme hier en ex-Yougoslavie, ces bandes entraînent la population dans un bain de sang.
Au début des bombardements sur la Bande de Gaza, des images ont circulé sur les réseaux sociaux et parfois même dans la presse, indiquant qu’il s’agissait de Gaza, alors que les images venaient de Syrie ou d’Irak. Cela démontre bien que la guerre et ses atrocités est partout la même. C’est la même souffrance pour la population que les bombes tombent sur Gaza, sur Homs, sur Mossoul, sur Donetsk ou sur Malakal aujourd’hui, sur Bagdad, Beyrouth, Grozny, Sarajevo ou Kaboul hier. Ce sont les mêmes larmes de sang que pleurent les mères qui perdent un enfant où que ce soit dans le monde.
Dans ce déluge de sangs, de morts et de destructions, de l’Est de l’Ukraine au Nord du Sud-Soudan, il n’y a pas d’Etat plus criminel qu’un autre, ou plus exactement tous les Etats bourgeois et fractions qui aspirent à le devenir de la planète mènent le même jeux criminel avec la vie de centaines de milliers voire de millions d’êtres humains. Les alliances se font et se défont, telle bande armée est soutenue par tel régime avant qu’elle se mette au service d’un autre, tel Etat fournit telle bande en arme et en matériel avant de miser sur une bande concurrente. L’Etat et le complexe militaro-industriel français, et en particulier le grand bourgeois Dassault, avait ainsi armé la dictature de Kadhafi avant de se retourner contre lui. Dès le début de l’année 2014, le ministère de la défense et les actionnaires de l’industrie de l’armement en France se sont frottés les mains : au moins 6,4 milliards d’euros de commandes pour 2013 et la presse économique annonce déjà qu’ils espèrent une « année record » pour 2014. Le Qatar achète en ce mois de juillet 2014 pour 11 milliards d’euros d’armes aux Etats-Unis. Et une nouvelle qui est passée presque inaperçue en France, c’est que le gouvernement du Japon a modifié le 30 juin 2014 sa constitution qui lui interdisait d’intervenir militairement à l’étranger et de vendre des armes.
Voilà bien toute ignominie du système capitaliste : alors que jamais l’humanité n’a disposé d’autant de richesses, que jamais les capacités de production, les progrès scientifiques et technologiques n’ont autant permis de satisfaire les besoin de chaque être humain, on crève de faim, de froid, de maladies facilement guérissables, du manque d’eau potable, etc. Sources de profits énormes, d’immenses moyens de production sont mis au service de la mort et de la destruction, et chaque guerre, chaque bataille, derrière les innombrables souffrances, est aussi une vitrine pour les industriels de l’armement.
Les guerres qui ensanglantent l’humanité ne sont pas une fatalité. Elles sont le produit d’un système criminel, d’un système qui ne tourne que pour accroître les profits d’une infime minorité au détriment de l’immense majorité des êtres humains, le système capitaliste. Renforcées par la crise économique, toutes une flopées d’idéologies réactionnaires ressortent des poubelles de l’histoire : racismes, nationalismes, fondamentalismes religieux, etc. Mais à l’opposé, partout aussi, sur les cinq continents, travailleuses et travailleurs se lèvent pour défendre leurs droits et leurs intérêts face au rouleau-compresseur de la bourgeoisie. Et y compris dans les zones où la barbarie du système capitaliste montre son visage le plus hideux, comme à Mossoul par exemple où des musulmans protègent leurs voisins, amis et collègues chrétiens, il reste assez d’humanité pour percevoir un monde meilleur. L’exemple récent de la Bosnie-Herzégovine, ensanglantée à la fin du siècle dernier par les bandes nationalistes, où prolétaires bosniaques, serbes et croates se sont révoltés contre la classe dirigeante sous le mot d’ordre « Ostavke svi ! Smrt nacionalizmu », est là pour nous rappeler que l’espoir est toujours vivant, que même lorsqu’elle paraît invisible, la brave petite taupe de l’histoire continue son œuvre.
Ce monde débarrassé des guerres, de la misère, de l’exploitation et de l’oppression existe dans nos cœurs, dans nos révoltes et dans nos luttes. Le chemin à parcourir pour en faire une réalité est certes encore long, mais une chose est sure : se mettre à la remorque d’un Etat ou d’une fraction bourgeoise ne peut que nous éloigner de ce but. Plus que jamais, dans toutes les langues, notre mot d’ordre reste la puissante conclusion du Manifeste de Marx et Engels : Prolétaires de tous les pays, unissons-nous !