Les salariés de Calaire Chimie poursuivent leur grève devant l’usine. Nous les avons rencontrés ce dimanche, à la veille des réunions du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et du comité d’entreprise qui se tiendront à 14 h ce lundi en sous-préfecture.
Malgré les rafales de vent et la pluie du dimanche, le feu devant Calaire Chimie ne s’éteint jamais. Les salariés de l’usine chimique continuent de l’alimenter avec des palettes. Et la grève continue. Ce dimanche matin, ils étaient une dizaine, issus de l’équipe de 5 h, pour tenir le piquet de grève jusqu’à 13 h. Une deuxième équipe a ensuite pris le relais jusqu’à 21 h, et une dernière jusqu’à 5 h.
Soutien des commerçants
Pour témoigner leur soutien, des commerces ont fait des réductions aux salariés. Des riverains ont même apporté des crêpes. De toute façon, les salariés se débrouillent : des délégués du personnel ramènent le repas, ou ils nomment un intendant qui s’en charge. Ils cassent la croûte vite fait. Sans avoir trop le cœur à manger.
Un chef d’équipe lit, dans le froid, sous la tonnelle posée devant la grille d’entrée Calaire. Il ne veut pas parler et semble abattu. Dans la cour, gît la carcasse de la voiture du directeur. Elle demeure le symbole d’un ras-le-bol exprimé par les salariés mardi, lorsque le tribunal de commerce de commerce a annoncé la reprise de l’usine par Axyntis. Une décision qui aura pour conséquence le licenciement de 111 personnes. « Nous avons calmé le jeu pendant trois jours, maintenant la balle est dans le camp de l’État », lâche Patrick Salingue, représentant CGT des salariés de Calaire Chimie. Il s’emporte à l’idée que les salariés soient assimilés à des voyous : « Nous avons été assignés en justice pour séquestration et destruction de la voiture du patron. On a porté plainte pour diffamation. »
Les salariés ont les traits tirés. Ils sont déçus et dépités. Dans le bureau de pointage, tous attendent la réunion d’aujourd’hui. « Si je vois qu’il n’y a que nous et la direction, je ne reste même pas. Je reviens sur le site et on entre en action », prévient Patrick Salingue. Pour tuer le temps, les salariés démarrent une belote. Ils se concentrent sur le jeu, ironisent sur Calaire Chimie : « Ah, si vous venez déposer votre CV, ça va être bref et radical ! » Un humour noir pour souligner une certaine amertume. « On a le sentiment que tout le monde est avec nous mais que rien ne bouge », exprime l’un d’eux en abattant ses cartes. Beaucoup ont du mal à avaler le fait que les actionnaires n’aient jamais pris le temps de se déplacer ou de participer aux réunions.
Mercredi, les pouvoirs publics ont rappelé qu’ils attendaient d’eux un meilleur plan social. «Tant qu’ils ne viendront pas discuter, on n’aura rien », analyse un opérateur de fabrication en bleu de travail. Il aimait son métier. « On ne donne pas vingt-cinq à trente ans de sa vie comme ça, rappelle-t-il. On a toujours produit comme on nous l’a demandé mais la reprise d’Axyntis, ça signifie le chômage ou une perte de salaire de 300 à 500 €. À l’heure actuelle, vous en connaissez beaucoup des familles qui peuvent se passer de telles sommes ? »
Peur de devoir partir
Sous l’auvent, les salariés discutent entre eux. « Cela fait deux ans que personne ne peut se projeter dans l’avenir. » Ils évoquent les répercussions dans la vie de tous les jours : les divorces, la peur de devoir quitter leur région et leurs attaches ici… « On ne demande pas l’aumône. Juste que l’État nous donne du travail, insiste Sam. Il y a 46 médicaments en pénurie. Qu’on nous apporte les molécules, ici on a un outil de travail qui nous permet de les faire. » La femme de Patrick Salingue, retraitée de Calaire Chimie, était présente hier, comme depuis le début du conflit. « Là, il y a de la cohésion et de l’union mais je pense au jour où ils recevront leur lettre de licenciement. C’est dans un coin de leur tête, ils y pensent.»