L’Illustré, 22 février 2012 :
L’Italie vient de condamner l’ancien propriétaire d’Eternit. En Suisse, le chemin vers la reconnaissance des maladies de l’amiante et la désignation des coupables est semé d’embûches.

L’ancien patron et propriétaire d’Eternit, le milliardaire Stephan Schmidheiny, a été condamné à seize ans de prison par le Tribunal de Turin, le 13 février dernier, pour un «désastre sanitaire» qui a coûté la vie à des milliers d’ouvriers. Compromettante pour l’image, la sentence est encore loin d’être exécutoire. Il reste deux voies de recours jusqu’en cassation, l’instance suprême. Et la Suisse ne pratique pas l’extradition. Le scandale de l’amiante a néanmoins un retentissement international qui pourrait réveiller des procès en cascade partout où la «fibre miraculeuse» a sévi. Premier paradoxe: le pays souche, siège d’Eternit, celui d’où l’amiante-ciment a autrefois déployé ses tentacules, ne reconnaît pas, ou très difficilement, ses victimes. Les rares procédures en justice contre l’industrie de l’amiante n’ont pas abouti. On invoque la prescription de dix ans qui prévaut dans le droit du travail. Est-ce bien raisonnable, alors que les maladies de l’amiante se déclarent vingt, trente, parfois quarante ans après l’exposition? Autre entrave dans le long chemin vers la reconnaissance, à défaut de la guérison: à l’exception du mésothéliome (cancer de la plèvre), caractéristique de l’amiante, difficile de prouver le lien de cause à effet entre l’inhalation des particules et une pathologie, par exemple le cancer des poumons, tumeur «d’origine multifactorielle». Qui doit payer? Le fabricant? La SUVA, caisse nationale d’assurance en cas d’accident? La caisse publique de l’assurance invalidité (AI), à défaut de pouvoir désigner un coupable? L’imbroglio en est à son firmament. Dans les faits: 2779 cas ont été enregistrés comme «maladies professionnelles liées à l’amiante» par la SUVA à ce jour, pour 650 millions de francs de prestations. On déplore 1389 décès. Les litiges finissent parfois au tribunal. Quatre procédures sont en cours. En Suisse, il y a des éclopés de l’amiante, vivant leur calvaire entre les rancunes, les maux et les souvenirs douloureux. Parfois dans l’indifférence générale. Voici leurs témoignages.
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