Extrait de L’Émancipation syndicale et pédagogique (février 2012) :
Houzan Mahmoud est représentante à l’étranger de l’Organisation pour la liberté des femmes en Irak (OWFI). Elle est intervenue à Lyon, le 29 septembre 2011, dans le cadre de la semaine “Femmes en révolutions”. Nous avons souhaité lui poser quelques questions.
L’Émancipation : Comment définirais-tu la situation des femmes en Irak ?
Houzan Mahmoud : Comment pourrions nous parler de droits et même du droit à la vie quand la société entière est militarisée. Maintenant le gouvernement irakien est composé de milices, certaines issues de partis politiques, de gangsters et de bandits qui mettent à mal le droit des femmes. La pauvreté, l’absence d’emploi et le manque de sécurité… tout cela contribue à rendre la vie des femmes de plus en plus difficile. La montée en puissance des groupes islamistes tant au pouvoir que dans l’opposition à relégué l’Irak dans une période d’obscurantisme en ce qui concerne les droits des femmes.
Y a-t- il des organisations ou des actions qui ont défendu le droit des femmes sous le régime de Saddam Hussein ?
H. M. : Sous le régime de Saddam, aucune organisation indépendante n’avait le droit d’exister, en fait il n’y avait ni parti politique ni mouvement autorisés. L’Irak était à la botte d’un seul et unique parti politique affilié au pouvoir, c’était le parti Baas. Il y avait une organisation de femmes et une confédération syndicale qui émanait du parti Baas et qui étaient à la solde du régime.
La situation a-t-elle changé durant l’occupation des armées impérialistes ?
H. M. : Comme on le sait l’Irak a traversé bien des guerres : la guerre Iran-Irak, plus tard, l’attaque du Koweït a donné lieu à la guerre du Golfe suivie de treize ans de sanctions, puis il y a eu la deuxième guerre du Golfe et l’occupation de 2003. De plus, on vivait sous une dictature, tu peux imaginer les conditions de vie du peuple. L’occupation militaire s’est accompagnée d’une détérioration de la situation des Irakiens en termes de sécurité et l’on a assisté à une montée de l’islamisme et de la violence.
Pourquoi avez-vous créé le mouvement de libération des femmes en 2003 ?
H. M. : L’Organisation pour la Liberté des Femmes en Irak (Organisation of Women’s Freedom in Iraq, OWFI) a été créé en juin 2003 quand Yanar Mohammed est rentrée du Canada pour la fonder. Il était important de former un lieu où la parole serait libre, un lieu contre l’occupation, un mouvement de femmes anti-islamiste. L’organisation Internationale pour la Liberté des Femmes est à l’avant-garde du combat pour la laïcité, pour l’égalité homme-femme et la défense des droits des femmes.
Est-ce que les femmes Kurdes vivent une situation particulière en Irak ?
H. M. : Le Kurdistan irakien a eu son propre soulèvement en 1991 et nous avions une indépendance partielle par rapport à l’Irak. Les partis politiques Kurdes [nationalistes] gouvernaient localement [NdT : Houzan est Kurde] mais ils n’ont pas fait grand cas de la liberté des femmes ni même de la liberté d’expression. On tue des femmes pour des raisons diverses, les femmes sont victimes de mariages forcés, de mutilations génitales et de toutes autres formes de violence. De plus, la répression politique exercée à l’encontre de ceux qui défendent leurs droits vis-à-vis du gouvernement est très répandue.
Ce qui est formidable avec les Kurdes c’est qu’ils ne baissent pas les bras. Il y a eu des manifestations et des soulèvements contre l’ordre établi. Nous nous sommes soulevés l’an dernier le 19 février 2011, mais ces manifestations ont été durement réprimées par les milices et les partis politiques au pouvoir. Personne ne reste silencieux, nous nous battons toujours pour nos droits, pour nos libertés et pour la justice sociale. La résistance continue.
Parle-nous de vos combats actuels face au gouvernement irakien.
H. M. : Je suis une militante socialiste et je consacre une grande partie de mon temps à la défense du droit des femmes en Irak et au Kurdistan et même au-delà. En tant que représentante internationale de l’Organisation pour la Liberté des Femmes en Irak j’ai mené de nombreuses campagnes contre la charia, contre les crimes d’honneur et je défends la laïcité et la liberté d’expression. Je donne des conférences partout dans le monde. J’écris des articles en kurde mais aussi en anglais pour rendre plus visible le combat des femmes.
Propos recueillis par Hélène Bertrand (Traduit de l’anglais par Oriane Brandon et Stéphane Julien)
En savoir plus :
L’intervention d’Houzan Mahmoud, à Lyon le 29 septembre 2011, a été résumée en ligne : http://www.solidariteirak.org/spip….
L’Organisation pour la liberté des femmes a un site internet : http://www.equalityiniraq.com. La plupart de ses communiqués sont traduits en français par Solidarité Irak.