Article paru dans « Communisme-Ouvrier » n°16 (janvier 2012), bulletin de l’Initiative Communiste-Ouvrière :
Il est d’usage, dans l’extrême-gauche qui se réclame du marxisme, de ne pas décrire la société communiste. Bien sûr, on peut trouver ça et là des éléments, des idées, des suggestions, mais la tâche de décrire la société future, donc de définir un projet de société, est rarement abordée de façon approfondie. Décrire le communisme est considéré, au fond, comme une résurgence du socialisme utopique du XIXe siècle, terrassé par le socialisme scientifique, c’est-à-dire le marxisme. Ce soin était éventuellement laissé aux anarchistes, porteurs de la flamme vacillante de l’utopie, tandis que les marxistes se consacraient plus sérieusement à transformer la société présente. Au mieux, c’est une discussion à garder pour le bistrot, après la réunion ou la manif, à l’heure de refaire le monde devant un verre.
Il existe même une expression consacrée pour le sujet, imputée à Marx lui-même : « ne pas formuler des recettes pour les marmites de l’avenir », renvoyant la description du communisme à une sorte d’alchimie plus ou moins charlatanesque. La citation complète se trouve en effet dans la postface de la seconde édition allemande du Capital : « Ainsi, la Revue positive de Paris me reproche à la fois d’avoir fait de l’économie politique, métaphysique et — devinez quoi ? — de m’être borné à une simple analyse critique des éléments donnés, au lieu de formuler des recettes (comtistes ?) pour les marmites de l’avenir. ». Il s’agit donc d’une simple réponse aux critiques des disciples d’Auguste Comte, grand savant certes, mais aussi mystique, créateur d’une religion de l’Humanité dont il s’était proclamé grand prêtre. Autrement dit, au delà du sarcasme contre les positivistes, Marx ne met pas vraiment en garde contre les fameuses marmites. Il se contente d’affirmer qu’il a, dans le capital, chercher à décrire la société capitaliste présente – et il est vrai que le texte, malgré quelques remarques ça et là sur ce que pourrait être une autre société, s’en tient à son propos.