Engels : Les émeutes de la bière en Bavière

Parmi les hausses des prix annoncées ces derniers jours en France, il y  a celle sur une taxe de la bière qui se répercuterait, selon la presse, sur le consommateur avec des hausses comprises entre 10 à 30 centimes. En 1844, la mise en place d’une taxe augmentant le prix de la bière par Louis I de Bavière, a provoqué une immense révolte dans la population ouvrière, révolte appelée « La Révolution de la Bière de Munich » (Münchner Bierrevolution). A partir de la soirée du 1 mai, des émeutes éclatent au centre de Munich et s’intensifient jusqu’au 5 mai, date à laquelle le roi décide de rebaisser le prix de la bière. Cette révolution de la bière de Munich est considérée comme un prémisse de la révolution de mars 1848 en Allemagne.

Les protestations concernant le prix de la bière ont à plusieurs reprises mobilisées les classes populaires en Allemagne et en particulier en Bavière. Ici, une photo de la grève de la bière de 1910 à Landau an der Isar (Basse Bavière). Parmi les slogans on peut lire : « Grève » (à gauche) et « Bière pour tous » (à droite).

Le 25 mai 1844, le Northern Star, organe central des charistes britanniques, publie un article d’Engels sous le titre « Beer Riots in Bavaria« , article également disponible en allemand à cette adresse. Cet article n’a, à notre connaissance, jamais été traduit en français jusqu’à aujourd’hui.

Les émeutes de la bière en Bavière (Engels,1844)

La bière bavaroise est la plus célèbre de toutes celles qui sont brassées en Allemagne et les Bavarois sont logiquement accros à cette boisson qu’ils consomment en assez grande quantité.

Le gouvernement a décidé d’une nouvelle taxe de 100 Schilling par Maß (NdT : litre), ce qui a conduit à des émeutes qui ont duré plus quatre jours. La population laborieuse s’est regroupée en masse, a marché dans les rues, a attaqué des bâtiments officiels, brisé des vitres et détruit tout ce qui se trouvait sur son passage pour protester contre la hausse du prix de sa boisson préférée.

L’armée a été appelée, mais un régiment de cavalerie, qui avait reçu l’ordre d’intervenir, a refusé d’obéir. La police, qui est comme partout particulièrement impopulaire dans le peuple, était violemment attaquée, battue et maltraitée par les émeutiers, et chaque poste de garde, d’habitude occupé par des officiers de police, était occupé par des soldats, qui sur la base de leur bon comportement avec la population étaient considérés comme moins hostiles et montraient ouvertement une réticence à intervenir. Ils ne sont intervenus que lorsque la résidence royale a été attaquée, et même dans ce cas, sans avoir une attitude qui retiennent les émeutiers.

Le deuxième soir (le 2 mai), le roi, dont la famille fêtait en même temps un mariage et qui pour cette raison avait réuni de nombreux illustres invités à sa cour, s’est rendu au théâtre ; mais alors qu’à la fin du premier acte une foule humaine se regroupait devant le théâtre et menaçait de tout casser, tout le monde a quitté le bâtiment pour voir ce qui se passait et Sa Majesté et ses illustres invités ont été forcés de les suivre pour ne pas rester seuls sur leurs places. La presse française a prétendu que le roi aurait donné l’ordre aux militaires sur place de tirer sur la foule et que les soldats auraient refusé. La presse allemande n’en a pas parlé, comme on pouvait s’y attendre à cause de la censure ; mais comme la presse française est parfois particulièrement mal informées sur les affaires étrangères nous ne pouvons pas garantir la véracité de cette information.

En conséquence, le roi poète (Louis de Bavière est l’auteur de trois recueils illisibles de poésie, d’un guide de visite d’une de ses construction, etc.) s’est trouvé dans une situation particulièrement embarrassante durant ces émeutes. A Munich, une ville pleine de soldats et de police, le siège de la cour royale, les émeutes ont duré quatre jours malgré la présence militaire, et finalement les émeutiers ont atteint leur but. Le roi a par décret refait baissé le prix du litre de bière de 10 à 9 Kreuzer, ce qui a rétabli le calme.

Maintenant que le peuple a, pour la première fois, pris conscience qu’il pouvait modifier le système fiscal en effrayant le gouvernement,  il apprendra vite qu’il est tout aussi facile de l’effrayer pour des affaires encore plus importantes.

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